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lundi 8 septembre 2008

Pour votre culture générale

Histoire de la mode

Plan de l'article
1

Présentation

Histoire de la mode, traits caractéristiques de l’évolution des goûts vestimentaires depuis l’apparition, au XIXe siècle, de la haute couture, secteur économique autonome organisé autour de marques et de créateurs individualisés. Cette apparition coïncide avec l’émergence d’une industrie de la confection, touchant une clientèle de plus en plus vaste. Dans une société ayant tendance à se décloisonner, ce phénomène s’accompagne — avec un certain décalage — de la diffusion (par la presse, puis par le cinéma et par la télévision) d’esthétiques vestimentaires (mêlant longues tendances et phénomènes éphémères) qui acquièrent un statut dominant.

Directement reliée aux mutations qui affectent les modes de vie et les valeurs des sociétés (telles que les guerres, les périodes de bouleversements sociaux ou les revendications féministes, voir femmes, mouvement des), la mode subit, durant la période considérée, une évolution paradoxale. Si la haute couture, activité de luxe par excellence, placée à la frontière de l’artisanat et de l’industrie, semble réservée à une élite, sociale ou économique, elle s’inscrit dans une évolution plus vaste.

La différenciation sociale est atténuée au moyen du vêtement, grâce à cette évolution, au travers de l’expansion de la confection et du prêt-à-porter. De plus, parallèlement à la simplification des usages sociaux, on assiste à une aspiration à une plus grande fonctionnalité. L’apparition, à partir des années soixante, aux côtés des couturiers, de créateurs appelés stylistes témoigne de cette évolution : bien que travaillant pour l’industrie, ces derniers n’en ont pas moins profondément influé sur les tendances de la mode durant les trente dernières années.

2

De Worth à la Belle Époque

2.1

Les débuts de la mode

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, il est possible de distinguer, au gré des époques, des modes successives qui se répandent dans les classes privilégiées de la société. Cependant, d’une manière générale, le vêtement apparaît plutôt comme un facteur de différenciation sociale et professionnelle (comme en témoignent, par exemple, les descriptions que l’on trouve chez Honoré de Balzac). Il ne subit donc que de rares évolutions. C’est le cas, notamment, du costume paysan, fortement empreint de particularités locales, qui reste en vigueur dans certaines provinces jusqu’au milieu du XXe siècle, ou du vêtement porté par les ouvriers (que le port de la casquette et de la blouse différencie des boutiquiers ou des bourgeois).

Cette situation se modifie sous l’influence de plusieurs phénomènes : le développement de l’industrie des textiles, fortement mécanisée — la soierie lyonnaise, entre autres —, et le perfectionnement des techniques de la teinture. En même temps qu’apparaît, aux côtés des tailleurs, l’industrie de la confection, les premiers magasins de nouveautés sont créés (comme la Belle Jardinière ou la Samaritaine). Ils permettent à leur clientèle de disposer d’un très grand choix, promis à de rapides renouvellements.

2.2

L’apparition de la haute couture

C’est dans ce contexte qui correspond, en France, au second Empire, que la haute couture (ou « couture-création ») fait son apparition, avec l’Anglais Charles Frédéric Worth. Fournisseur attitré de l’impératrice Eugénie, Worth introduit la plupart des innovations qui ont caractérisé la haute couture : l’identification d’un créateur (souvent masculin) avec une marque, soigneusement protégée de la contrefaçon ; la présentation chaque année sur des mannequins vivants (appelé alors des « sosies »), d’un certain nombre de modèles exclusifs (confectionnés ensuite aux mesures de chaque cliente) vendus à un prix bien supérieur à leur prix de revient ; enfin, le recours à la publicité.

Worth impose Paris comme capitale de la mode, alors que la bourgeoisie d’affaires, enrichie par l’essor de l’industrie et des chemins de fer, est avide de luxe et de fêtes. La mode qui prévaut reflète l’extrême codification de la vie sociale jusque dans la hiérarchisation des modèles proposés (distinction très nette entre toilettes d’après-midi, robes pour un dîner intime, robes pour un dîner privé, robes de bal, robes pour le théâtre, etc.), tandis que l’opulence et la complexité des modèles composent une esthétique dédiée à la représentation.

À l’imposante crinoline, dont Worth s’éloigne presque immédiatement, succède une ligne à tournure, dont le volume est assuré, sur l’arrière de la robe, par un pouf baleiné accentuant la cambrure du corps. Un peu plus tard, on verra les polonaises, inspirées du style Louis XVI (la robe de dessus dégage par-devant la robe de dessous, mais forme à l’arrière une très longue traîne).

La somptuosité des tissus, qui stimule l’industrie de la soie et la fabrication de la dentelle, l’abondance des rubans et des passementeries du « style tapissier » favorisent le développement des accessoires (des bijoux, mais aussi des fichus, des châles, des sacs et des chapeaux).

2.3

La simplification des modèles

À partir des années 1890, une certaine simplification de la ligne vestimentaire commence à s’imposer. Redfern, couturier britannique installé à Paris et à Londres, lance pour l’après-midi le costume-tailleur (plus tard appelé costume-trotteur), comportant une jaquette à basque et une double jupe, participant d’une ligne à la fois plus stricte et plus sportive. Simplifié, ce costume devient bientôt un classique de la garde-robe féminine, après son adoption par la princesse Alexandra, épouse du prince de Galles (le futur Édouard VII).

Parallèlement, pour les tenues habillées, on note un allongement de la silhouette, favorisé par l’étranglement de la taille, mais compensé par l’ampleur donnée aux manches (gigot, puis ballon) ; les robes sont généralement ornées d’une petite traîne. À la même époque, le manteau de fourrure devient le complément presque indispensable de la robe habillée.

Le costume masculin connaît, pour sa part, peu de modifications, même si on note, aux alentours des années 1880, l’apparition du complet-veston en tweed ; dans l’aristocratie et la bourgeoisie, l’habit et le haut-de-forme restent cependant de rigueur pour tous les types de sorties, et le smoking ne fait son apparition que progressivement, comme tenue de casino. La mode enfantine reste dominée par le costume marin pour les garçons, tandis que les tenues habillées pour les filles (activité qui est à l’origine de la maison Lanvin) reprennent bien souvent les grandes lignes de la mode en vigueur chez les adultes.

2.4

La diffusion de la mode

La structure d’une maison de couture, qui compte, lorsqu’elle est importante, plus de mille ouvrières, est fondée sur une séparation très rigide des fonctions. Chaque atelier est spécialisé dans la fabrication d’une partie bien déterminée du vêtement, et la robe n’est assemblée sur le corps de la cliente qu’au dernier essayage. En 1900, on compte, parmi les grands noms de la couture parisienne, Worth (maison alors dirigée par les deux fils du fondateur), son grand rival, Jacques Doucet, célèbre pour ses toilettes vaporeuses inspirées par l’esthétique du XVIIIe siècle, les sœurs Callot (auxquelles reste attaché le nom de la plus connue d’entre elles, Mme Gerber), Redfern (maison dirigée en France par Charles Poynter), Paquin, Drecoll, Dœuillet et Laferrière.

En 1910, est fondée la Chambre syndicale de la couture parisienne, qui impose des règles très strictes à la cinquantaine de maisons qui se partagent le marché. Parallèlement, dans le domaine des accessoires, certaines modistes, comme Virot, Caroline Reboux, Olga Mouliega, Levis ou les sœurs Legroux acquièrent une réputation équivalente à celle des couturiers.

Les deux pôles de la mode sont alors Paris et, dans une certaine mesure, Londres, où les noms de Redfern, Liberty, Paquin, Peter Robinson et Says s’imposent. La diffusion de l’innovation est assurée par les grandes Expositions, comme celles de Paris (1878, 1889, 1900). Les grands magasins servent également de relais en proposant des modèles simples, inspirés de la ligne alors à la mode. De leur côté, les revues, comme les Modes, le Journal des dames et des modes ou le Petit Écho de la mode, reproduisent des modèles et permettent la diffusion d’une certaine esthétique dans tous les points du territoire.

Plus généralement, les centres de la mode sont si peu nombreux qu’ils attirent la clientèle du monde entier, notamment celle de toutes les familles royales, des riches Américaines et des familles fortunées d’Amérique du Sud, tandis que la clientèle des actrices (Réjane est habillée, à la scène comme à la ville, par Doucet, Mistinguett par Drecoll) et des demi-mondaines (comme Cléo de Mérode ou Liane de Pougy) contribue au renom des couturiers.

2.5

La révolution de Poiret

À partir des années 1910 s’amorce le mouvement qui caractérisera les modes de l’après-guerre : une considérable simplification du vêtement féminin. Mariano Fortuny, et surtout Paul Poiret, font ainsi porter leurs recherches sur une rénovation radicale de la silhouette féminine. Dès 1906, Poiret propose une ligne inspirée de la mode du Directoire, avec une taille très haute, remontant presque sous les seins ; en même temps, il rend inutile l’usage du corset, en montant ses robes sur de hautes ceintures renforcées par des baleines, et impose des formes droites et la jupe entravée, d’une ligne très souple et effilée, resserrée aux chevilles.

Proposant de substituer le turban aux volumineux chapeaux, Poiret impose également une rénovation dans l’inspiration des motifs décoratifs, introduisant l’orientalisme, les motifs folkloriques russes (sous l’influence des Ballets russes), mais également le goût des couleurs vives, tranchant avec la palette en demi-teintes de l’époque, où dominent les mauves ou les lilas. Il emploie des artistes, comme Raoul Dufy ou Paul Iribe, ouvrant ainsi la voie à une collaboration suivie entre la couture et toutes les disciplines des arts décoratifs.

À la même époque, nombreux sont les couturiers qui prennent l’habitude de travailler pour le théâtre, mais aussi pour le cinéma, tendance qui sera l’une des constantes de la haute couture jusqu’à nos jours.

3

Les Années folles

3.1

L’émancipation de la femme

La Première Guerre mondiale a une influence considérable sur l’évolution de la mode : l’absence des hommes modifie la place des femmes dans la société. Confrontées à de nouvelles responsabilités, les femmes sont désireuses d’accéder à un style de vie qui soit l’expression de leurs nouvelles aspirations. Les années vingt savent traduire cette émancipation, alors que Paris s’ouvre à toutes les influences, dont témoignent le succès du cabaret Le Bœuf sur le toit ou les revues de Joséphine Baker.

Après quelques tâtonnements, les grands créateurs de l’époque, Jean Patou, Lucien Lelong, Jeanne Lanvin, Jenny, Cheruit, Henri Poirier et le Britannique Molyneux, imposent une silhouette « à la garçonne ». Les robes sont alors raccourcies, largement décolletées à l’arrière, la taille peu marquée, le corset définitivement abandonné. Maquillées de manière artificielle (fards de couleurs vives, sourcils épilés), portant pyjama du soir et cheveux courts, parfois gominés, arborant de longs fume-cigarettes, les femmes manifestent une volonté de libération par rapport aux années de l’avant-guerre. Les chapeaux lourdement ornés disparaissent ainsi au profit du chapeau cloche, les chaussures, désormais visibles, sont souvent réalisées dans le même tissu que la robe. De nouvelles étoffes, comme la mousseline brochée de métal, le kacha, le tussor, le shantung naturel font leur apparition.

La pratique des sports impose la création de tenues spéciales pour le tennis, le golf, le casino ou la montagne, qui, en retour, inspirent les modèles de tenues sportives, en maille, comme celles auxquelles Coco Chanel attache son nom.

3.2

L’esprit Art déco

Paul Poiret, avant la ruine qui le contraint à cesser ses activités, participe encore à la grande exposition des arts décoratifs de 1925, dont l’esprit novateur a une grande influence sur la mode de l’après-guerre. Raoul Dufy dessine des modèles d’imprimés pour Bianchini Ferrier. Sonia Delaunay donne à Jacques Heim des modèles de broderie, Jean Dunand réalise pour la modiste Agnès des chapeaux faits de coquilles d’œuf arrangées comme des mosaïques. Les bijoux de Georges et de Jean Fouquet, les sacs à main cubistes, traduisent la domination du style Art déco. Des accessoires, comme les boas de plumes, les ombrelles et les éventails, viennent compléter les tenues. Les tissages de perles, les broderies de Lesage, les franges, les tissus lamés ou métallisés sont caractéristiques de cette époque. Le costume masculin évolue également, avec la mode du smoking, celle des chemises à col anglais, la diffusion du motif Prince-de-Galles. La maison Lanvin est l’une des premières à ouvrir un département de création pour hommes.

4

Les courants de l’avant-guerre

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La crise économique de 1929, qui entraîne l’effondrement de nombreuses fortunes, les inquiétudes relatives à la situation internationale et les bouleversements sociaux ont une profonde influence sur l’évolution de la mode.

Dès la fin des années vingt, on assiste déjà à une remise en valeur des formes du corps (en rupture avec la mode androgyne prévalant jusqu’alors), ainsi qu’à l’introduction de teintes beaucoup plus neutres, comme le beige et le noir. La généralisation du soutien-gorge et de la gaine permet de proposer des modèles à taille marquée, à poitrine soulignée. Les cheveux restent courts, mais ondulés, tandis que la mode du bronzage fait son apparition. Au feutre mou, de rigueur le matin à la ville, succède la capeline, plus habillée, l’après-midi. En 1933, Hermès lance la mode des foulards (ou carrés) en soie imprimée, auxquels son nom restera. Des journaux comme Marie-Claire, fondé en 1938, se font les interprètes de ces transformations.

Cette époque de l’immédiat avant-guerre est dominée par Chanel, célèbre pour ses robes du soir en mousseline de soie, et par Madeleine Vionnet, qui posséde une maîtrise sans égale de la coupe en biais, que l’on retrouve aussi dans les modèles de la maison Augustabernard, renommés pour leurs coloris plus vifs. L’Américain Mainbocher, installé à Paris, acquiert une grande notoriété après avoir réalisé la toilette de mariage de la duchesse de Windsor : le modèle « Bleu Wallis » sera maintes et maintes fois copié. Elsa Schiaparelli se distingue par le caractère novateur de ses collections, ornées de broderies figuratives inspirées du surréalisme. En Grande-Bretagne, enfin, Norman Harnell commence à se faire connaître comme couturier attitré de la famille royale ; cependant, son style, influencé par les peintres du XVIIIe siècle, apparaît un peu en retrait par rapport aux audaces parisiennes, en raison de son caractère figé et cérémonieux.

5

La mode pendant la guerre

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La période de la Seconde Guerre mondiale, marquée par d’importantes restrictions de tissu, voit aussi la fermeture d’un certain nombre de grandes maisons parisiennes, comme Chanel, Vionnet ou Mainbocher. Lucien Lelong réussit cependant à obtenir des autorités allemandes, qui comptent « délocaliser » la mode parisienne à Berlin ou à Vienne, le maintien d’une soixantaine de maisons de couture. L’inspiration militaire confère aux modèles de Robert Piguet, de Maggy Rouff et de Jacques Fath une allure quelque peu martiale, accentuée par l’introduction de renforts dans les épaules (les « paddings »). L’allure, exacerbant les contrastes, fait coexister une carrure d’athlète et des jupes très courtes avec de gigantesques chapeaux (d’Albouy, de Paulette, de Le Monnier) ou des turbans (comme celui qu’adopta l’écrivain Simone de Beauvoir et qui sera inséparable de sa tenue).

6

La mode de l’après-guerre : une nouvelle ligne

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Contrastant avec cette extravagance, la mode de l’après-guerre se caractérise par un souci du bon goût et de la mesure, qui permet rapidement à Paris de retrouver son statut de capitale de la mode. À côté de maisons déjà existantes, comme Piguet, Jacques Fath, Jacques Heim ou Marcel Rochas, on assiste à l’installation de nouveaux venus qui, tous, ont appris leur métier à Paris, comme Pierre Balmain, Jacques Griffe ou Christian Dior.

Ce dernier est le véritable fondateur du « new-look », ligne que certaines innovations de Jacques Fath ont fait pressentir, mais qu’il synthétise et à laquelle il donne un éclat sans précédent. Réhabilitant les galbes du corps féminin, il impose une mode fastueuse et nostalgique, à jupe allongée, qui se décline en deux silhouettes (la ligne Corolle, à jupe large, et la ligne en huit, à jupe étroite comme un tube). Si le new-look n’a, au sens strict, qu’une existence assez éphémère (Christian Dior lui-même se tourne, à partir de 1954, vers une coupe décintrée et Chanel met à la mode le tailleur de tweed), elle a une profonde influence sur l’ensemble de la création (de Pierre Balmain à Carven en passant par l’Américain Charles James). L’Espagnol Cristóbal Balenciaga, maître de la coupe décintrée (et influence majeure de Givenchy), ou madame Grès, célèbre pour sa technique du drapé, affirment une individualité qui les tient à l’écart de ce mouvement.

Période de transformations, les années cinquante voient l’apparition de la robe cocktail, des talons aiguille (créés par des bottiers comme Roger Vivier ou Delman) mais, malgré les audacieuses créations de Jean Barthet, de Jacques Pinturier ou de Jean-Charles Brosseau, la quasi-disparition du chapeau. Le Nylon est de plus en plus utilisé, entraînant la progressive raréfaction de la lingerie.

Cependant, la principale mutation des années cinquante demeure, aux côtés de la haute couture ou de l’artisanat (donné en exemple par des maisons comme celles de Lola Prusac), le développement de l’industrie de la confection. À l’intérieur de cette industrie, on distingue le prêt-à-porter (production mécanisée, en fonction de tailles prédéfinies), concept importé en France à la fin des années quarante par Weil et par Albert Lempereur ; la mesure industrielle (adaptation du modèle aux mesures du client) ; la couture en gros (caractérisée par une meilleure finition et une diffusion plus restreinte que le prêt-à-porter). Cette expansion de la confection est d’ailleurs souvent encouragée par le monde de la haute couture, qui y voit une possibilité de nouveaux débouchés. Dès la fin des années quarante, par exemple, les Couturiers associés (Carven, Jean Dessès, Piguet, Paquin et Jacques Fath) présentent chaque année une collection de modèles de confection, vendus dans les grands magasins de province. De nombreux couturiers, enfin, ajoutent à leur activité principale la vente de licences pour la fabrication d’accessoires, politique dont Christian Dior est l’un des initiateurs. Enfin, depuis Paul Poiret, qui avait lancé en 1911 le parfum Rosine, et surtout Chanel, célèbre pour le N° 5 créé par Ernest Beaux, la plupart des grands couturiers développent, sous licence, des parfums portant leur nom.

7

L’époque contemporaine

7.1

Une mode pour la jeunesse

Les années soixante marquent une nouvelle rupture, peut-être plus radicale puisqu’elle concerne prioritairement la jeunesse issue du baby-boom, désireuse de se démarquer du monde des adultes. Initiatrice d’une véritable contre-culture, cette génération cherche dans le vêtement un moyen d’affirmer ses choix, que symbolisent, par exemple, le port du pantalon pour les jeunes filles ou le désir de faire disparaître les différenciations sexuelles par le moyen de la mode unisexe. Si la haute couture subsiste, elle assiste au développement parallèle du prêt-à-porter, qui devient un territoire d’expérimentation particulièrement actif. La création, par Jacques Esterel, de la robe de mariée en vichy, portée par l’actrice Brigitte Bardot lors de son mariage avec Jacques Charrier (1958), reproduite à des milliers d’exemplaires, préfigure ce mouvement. Désormais, les stylistes de prêt-à-porter signent leurs collections, ce qui constitue une véritable nouveauté. Travaillant pour leur propre compte, pour un confectionneur ou pour un bureau de style (comme Mafia ou Promostyl), ils rénovent profondément l’esthétique vestimentaire dans les années soixante.

7.2

Les stylistes

Les stylistes captent les nouvelles références de la jeunesse, de la mode hippie à la mode chinoise, des tendances folkloriques au patchwork. Jean Bousquet, fondateur de Cacharel, lance les chemisiers en madras et reprend le motif Liberty. La Britannique Laura Ashley s’illustre dans la mode rétro, tandis que Jacqueline Jacobson (qui dirige la maison Dorothée Bis) propose la mode des shorts que l’on porte sous des maxi-manteaux, et que Sonia Rykiel se spécialise dans un style décontracté, faisant un large usage de la maille. Daniel Hechter lance la mode « Babette », inspirée du film de Christian-Jaque Babette s’en va-t’en guerre (1958).Parmi les stylistes les plus célèbres de l’époque, on trouve : Karl Lagerfeld, qui dessine des collections pour Chloé ; Christiane Bailly et Gérard Pipart, futur directeur artistique de Nina Ricci ; Michèle Rosier, qui crée des tenues sportives pour la marque V de V ; Emmanuelle Khanh, qui propose certains modèles à La Redoute.

Les années soixante voient aussi l’apparition, après Pierre Cardin, d’un certain nombre de nouveaux couturiers, dont Yves Saint Laurent, qui travaille d’abord chez Dior avant de fonder sa propre maison, Paco Rabanne, André Courrèges, Jean-Louis Scherrer, Emmanuel Ungaro et Louis Féraud.

Plusieurs d’entre eux s’illustrent par leurs innovations futuristes, comme André Courrèges, dont la première collection fait, en 1965, l’effet d’une révolution comparable à celle du « new-look » de Christian Dior. En effet, il y propose des minijupes et des minirobes qui s’inspirent directement de la mode lancée en Grande-Bretagne par Mary Quant quelques années auparavant, et qui illustrent la vitalité de la création londonienne. Yves Saint Laurent, créateur du tailleur-pantalon, des minirobes à motifs inspirés de Mondrian et, un peu plus tard, de la saharienne, Pierre Cardin et ses tenues de cosmonautes, Paco Rabanne et ses robes métalliques mènent tous une réflexion sur l’adaptation du vêtement au monde moderne.

Saint Laurent (avec Saint Laurent Rive gauche), Cardin et Courrèges se lancent significativement les premiers dans le prêt-à-porter féminin, tout en menant une tentative originale de rénovation du vêtement masculin. En 1966, Pierre Cardin, associé au confectionneur Paul Bril, présente une collection pour hommes où le veston est remplacé par une tunique à col montant, interdisant le port de la cravate, modèle également expérimenté, avec quelques variantes (vêtements non doublés pour en accentuer la souplesse, en lin ou jersey), par Michel Schreiber. André Courrèges, pour sa part, propose une ligne pour hommes où le blouson remplace le veston, tandis que Jacques Esterel imagine en 1970 des pantalons et des robes longues absolument unisexes.

7.3

Multiplication et éclectisme des talents

Les années soixante-dix confirment certains talents, comme celui d’Azzedine Alaïa, et voient l’apparition de nouveaux noms, comme Anne-Marie Beretta, Bernard Perris, Popi Moreni, Guy Paulin, Jean-Charles de Castelbajac, Jean-Paul Gaultier ou Thierry Mugler, et l’installation à Paris des Japonais Kenzo, Issey Miyake, Hanae Mori et, un peu plus tard, de Rei Kawakubo (créateur de Comme des garçons) et de Yosji Yamamoto. Dans la même période, Paris est resté la capitale de la mode. On y présente quatre fois par an deux collections de haute couture et deux collections de prêt-à-porter, mais New York (où se sont illustrés Calvin Klein et Ralph Lauren), Milan (Valentino, Gianni Versace, Giorgio Armani, Cerruti), Londres (Vivienne Westwood, Sheridan Barnett, Helen Robinson) et Tokyo sont également devenus des centres de création importants.

La même période témoigne de l’acceptation d’une certaine complémentarité entre maisons de haute couture, inscrites auprès de la Chambre syndicale de la couture, aujourd’hui une trentaine (dont la définition se fait d’après plusieurs critères : création originale dans la maison elle-même, par le créateur et par ses proches collaborateurs, modélistes et dessinateurs ; utilisation de tissus fournis gratuitement sur les bénéfices d’une taxe parafiscale ; présentation de deux collections par an, comportant au moins cinquante modèles), et les créateurs, qui présentent d’ailleurs leurs collections dans une structure commune, l’association Mode et Création.

Cette association, fondée en 1973, rassemble maisons de couture présentant du prêt-à-porter et stylistes. Ces frontières ne sont d’ailleurs pas si rigides, puisque l’on a vu des stylistes comme Karl Lagerfeld, Angelo Tarlazzi et Gérard Pipart prendre la direction de maisons de couture (respectivement chez Chanel, chez Guy Laroche et chez Nina Ricci), tandis que certains créateurs, comme Jean-Paul Gaultier et Thierry Mugler, accèdent au statut de couturier. Hiérarchisé, le secteur du prêt-à-porter, qui bénéficie d’importantes innovations techniques (comme la coupe assistée par ordinateur), offre toutes les gammes de produits, depuis les grandes marques comme Weil ou Max Mara, aux marques en franchise ou en succursale, jusqu’aux marques vendues en hypermarchés. L’ensemble du secteur (qui compte, pour le prêt-à-porter féminin, plus de 2 600 entreprises) emploie près de 50 000 personnes, pour un chiffre d’affaires d’environ 30 milliards de francs.

Alors que semblent se multiplier les créateurs — on relève pour les années quatre-vingt : Christian Lacroix, Martine Sitbon, Corinne Cobson, Helmut Lang, Dries Van Noten, Donna Karan et, pour la haute couture, Lecoanet-Hémant (admis à la Chambre syndicale en 1984) ; pour les années quatre-vingt-dix : Ann Demeulemeester, Véronique Leroy, Gilles Rosier et Claude Sabbah —, on assiste à une reconnaissance officielle de la mode, avec la création d’un musée de la mode au Carrousel du Louvre, et, dans le même temps, à la consécration de grandes tendances, de plus en plus évidentes depuis les années soixante-dix : l’éclectisme, le style décontracté (avec le jean et le détournement du vêtement de sport à usage citadin), le style grunge, l’antimode et l’extrême simplicité des tenues urbaines (tailleur basique, tee-shirt et pantalon, souvent même dans le monde du travail). Toutes ces évolutions permettent de caractériser le changement du statut de la haute couture qui, de plus en plus confondue avec le stylisme, devient non plus l’initiatrice de modèles esthétiques contraignants soumis à de périodiques révolutions, mais plutôt le lieu d’élaboration de grandes tendances, revisitées et réinterprétées, et mises au service des impératifs de la vie quotidienne.

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